Déclare la Bourgmestre de Molenbeek-saint-Jean.

Nous sommes à quelques semaines du triple scrutin du 25 mai 2014 en Belgique. Ces élections ont un enjeu énorme pour l’avenir de la Belgique fédérale, des  trois régions « la région de Bruxelles-Capitale, la région Wallonne et la région flamande » et de l’Europe.

 

Pour rappel, la 6ème réforme institutionnelle de l’Etat a été bouclée avec la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Halle-Vilvoorde et bien des réformes dans divers domaines de la vie de l’Etat belge.

La stabilité actuelle ne doit pas occultés que la Belgique avait traversé une crise grave qui a paralysé l’appareil de l’Etat durant plus de 500 jours.

 

Aujourd’hui, force de constater que l’enjeu de demain reste : 

– La solidarité entre belges

– La croissance des trois régions

– La cohabitation entre communautés 

– Le mieux vivre ensemble entre Autochtone et Allochtone.

 

La population d’origine marocaine, particulièrement rifaine, de Belgique se sent concernée par ces élections et s’interroge à propos des questions existentielles d’emploi, de l’école et de culture.

Nous avons voulu prendre le pool de ces enjeux électoraux en interrogeant une personnalité bruxelloise issue du parti de droite (MR), pour connaitre les projets de sa formation respective face aux interrogations des citoyens concernant ces problématiques. 

Il s’agit donc, de Madame Françoise Schuemans du Mouvement Réformateur (MR), Bourgmestre de la commune de Molenbeek Saint-jean, députée régionale et 2ème sur les listes aux fédérale.

Françoise Schepmans est une  femme d’engagement, sincère et tenace née à Berchem-Sainte-Agathe le 18 juin 1960. Ancienne Présidente du Parlement de la Communauté française Wallonie-Bruxelles. En 2011 devienne la seule et unique femme Bourgmestre de toute la région de Bruxelles Capitale. A plusieurs reprises elle a soutenu des initiatives pour la promotion et la défense de la langue et la culture Amazigh (Berbère).  Impossible n’est pas Françoise est le slogan choisi pour sa campagne électorale. 

Françoise Schepmans est 2ème sur les listes du parti Libéral pour l’élection fédérale du 25 mai 2014.</span>

 

1. Madame Schepmans, en tant que Bourgmestre de Molenbeek Saint-Jean, et membre influent du parti du mouvement réformateur, vous savez ce que représente la communauté belge d’origine rifaine, pourriez-vous nous entretenir du programme de votre parti pour faire face aux contraintes, difficultés et aspirations des belges d’origine rifaine, aux fins d’une meilleure intégration ?

 

J’aime comparer Bruxelles à une mosaïque de cultures avec des gens provenant aussi bien du Maroc, dont beaucoup sont originaires du Rif, que de Turquie, de pays sub-sahariens… Ce foisonnement de cultures est bien sûr une richesse pour autant que les règles de la vie en société, ce qu’on appelle ces derniers temps le « Vivre Ensemble », soient partagées. Je parle ici d’un socle de valeurs communes dans le respect de chacun. Une fois ce décor planté, il faut favoriser l’épanouissement de toutes ces communautés. Les Rifains de Belgique, qui sont les héritiers de très anciennes et riches civilisations  nord-africaines, ont tout à gagner à être reconnus. Je sais qu’ils aspirent à cette reconnaissance car ils sont, à juste titre, fiers de leur diversité au sein du Maroc. La bonne connaissance de leurs origines, traditions et culture leur permettra aussi de mieux s’épanouir en Belgique. Peut-être même avec un degré de liberté plus élevé que dans d’autres pays ! 

Mais je le souligne : ce ne doit pas mener à un repli identitaire. Au MR, on lutte contre toutes les formes de communautarisme qui conduirait à une différenciation. C’est fondamental : il n’y a rien de pire qu’une juxtaposition de communautés qui ne communiquent pas, qui ne partagent rien, qui ne se comprennent pas. Il faut combattre la ghettoïsation communautaire. 

Concrètement, cela se traduit dans notre programme par un soutien au développement culturel de ces communautés, en ce y compris bien sûr celle des Amazighs, une prise en compte des besoins en termes d’emploi, de soutien à la formation, d’émancipation économique et sociale. 

 

2. Quelle place pensez-vous accorder à l’identité, à la culture, à la langue et à la religion d’origine de cette communauté ? L’intégration signifie-t-elle pour vous l’abandon de l’identité d’origine ou inversement une meilleure place à l’identité et à la culture d’origine dans la vie et dans la réalité belge ?

Comme je vous l’ai dit : l’identité et la culture de la communauté Amazigh ont toute leur place à Bruxelles, à l’instar d’autres communautés. Je connais les difficultés auxquelles elle a été confrontée et ses aspirations  à davantage de reconnaissance notamment culturelle. 

L’intégration n’est évidemment pas l’abandon de son identité d’origine. On ne peut pas demander à des gens de choisir entre une identité rifaine et une identité belge. Renier ses origines, celles de ses parents, c’est comme déraciner un arbre. 

Que du contraire : pour moi, l’intégration repose sur deux pieds. Le premier, c’est l’identité de ses racines, de ses origines, qu’il faut connaître et cultiver. Le deuxième, c’est l’identité bruxelloise, cosmopolite qu’il faut s’approprier en apprenant la ou les langues, en s’insérant sur le marché du travail, en participant à la vie sociale et culturelle. Pour être épanoui, en phase avec la société d’accueil, il faut que nos jeunes, Amazighs ou autres, campent solidement sur leurs deux pieds. 

 

3. S’agissant, tout particulièrement, de la religion, vers quel Islam la Belgique serait-elle inscrite, celui de l’islam marocain, de l’islam oriental ou d’un islam proprement local tolérant et ouvert issu de l’immigration musulmane belge? Un islam Belge ?

C’est une question importante qui ne touche d’ailleurs pas uniquement la Belgique ou même l’Europe. Ce débat, qui ne date pas d’hier, existe déjà dans de nombreux pays musulmans. L’islam est religion se voulant à vocation universelle : un message pour tous les hommes. L’unicité du Coran est un fondement clé. Même si l’islam est traversé par différents courants d’interprétation, on ne peut pas parler d’un islam belge ou d’un islam français. Dans la pratique, cela ne pourrait voir le jour sans qu’il y ait une participation de toutes les composantes de la communauté musulmane de Belgique. Or, celle-ci est multiple et diversifiée, avec des sensibilités variées. 

Toutefois, il faut évidemment encourager un islam d’ouverture à toutes les communautés musulmanes (marocaine, turque, pakistanaise…). C’est toute la mission de l’Exécutif des Musulmans et des nombreuses associations qui organisent les mosquées. Il faut, par exemple, régler la question fondamentale de la formation des imams. Plutôt que de les faire venir de l’étranger, il serait préférable que ces imams soient formés en Belgique. Le contact avec les jeunes générations serait meilleur. On éviterait aussi certains discours radicaux qui n’ont pas leur place dans certaines mosquées.   

 

4. Le taux de la discrimination à l’embauche, à l’enseignement et au logement est toujours très élevé au sein de la communauté d’origine marocaine, ne pensez-vous pas qu’il faudrait une discrimination positive de cette communauté de façon à lui assurer une meilleure insertion et intégration ?

Le travail pour tous les Bruxellois, c’est ma priorité au MR. Je connais bien les problèmes du chômage et de la discrimination à l’embauche : comme bourgmestre de Molenbeek, je reçois très souvent des habitants vivant ces situations. Dans ma commune, le taux de chômage des jeunes avoisine les 40% ! Malheureusement, les jeunes d’origine étrangère sont souvent les premiers confrontés. Pour certains, il s’agit d’un manque de qualification mais pour d’autres c’est effectivement une question de discrimination. 

Plutôt que de faire la morale au secteur privé, les pouvoirs publics devraient montrer le bon exemple. Dans les administrations régionales et fédérales, chez les policiers, chez les pompiers,… il y a beaucoup trop peu de travailleurs bruxellois. Il ne suffit pas de bonnes intentions : il faut agir en offrant aux jeunes une formation adéquate pour accéder à ces emplois ! Le MR propose le renforcement des moyens pour la formation, des primes à l’embauche en tenant compte des besoins dans les quartiers les plus frappés par le chômage à Bruxelles. 

Concernant l’attribution des logements sociaux, je ne suis pas favorable à l’instauration d’une « discrimination positive ». Il y a des règles très strictes en cette matière afin d’assurer, au contraire, l’égalité entre tous les candidats (et ils sont des milliers à Bruxelles !). Beaucoup de familles bruxelloises vivent en effet dans des conditions inacceptables et méritent d’obtenir un logement social. Les attribuer sur base d’une origine ethnique n’est pas imaginable. Par contre, il est impératif de veiller à l’égalité de traitement de tous les citoyens. C’est ce que nous faisons désormais à Molenbeek ! 

 

5. Quid du partenariat entre la Belgique et le Maroc et du rôle des belges d’origine rifaine ?

En cette année où nous fêtons les 50 ans de l’immigration marocaine en Belgique, nous devons saisir cette occasion pour fructifier davantage les partenariats entre les deux pays. Cela passe par l’augmentation des échanges culturels mais ce n’est pas suffisant. Il est important d’agir aussi le plan économique. Les besoins du Maroc sont croissants alors qu’en Belgique, les investisseurs cherchent de nouvelles opportunités. Il faut les encourager car les opportunités existent au Maroc. Je pense notamment au secteur du tourisme qui se porte très bien cette année. Il faut l’admettre que la région RIF du pays ne profite pas assez de ce potentiel touristique. La mise en valeur de son patrimoine, culturel et artistique, offrirait un nouvel atout au tourisme du pays. 

 

6. Quel est votre regard sur la situation des droits de l’homme au Maroc ?

Depuis l’arrivée de Mohammed VI au pouvoir, plusieurs avancées ont été enregistrées sur le sujet. La création de l’Institut royal de la culture amazighe, en 2001, fut, par exemple, un premier pas pour la reconnaissance attendue par les Rifains. D’autres devraient suivre… En Belgique, où nous avons trois langues nationales, on sait ô combien ce processus est long et semé d’embûches. 

En tant que femme, je suis également très sensible à la condition féminine dans ce pays. La Moudawana, qui régit le droit de la famille, fut, en 2005, une avancée en termes de droits pour les femmes marocaines. Un observatoire national destiné à combattre la violence contre les femmes a aussi vu le jour. Près de 10 ans plus tard, on peut espérer un nouveau train de réformes. Les femmes marocaines le réclament ardemment.   

 

7. Que pensez-vous du printemps des peuples et des indignés ?

Le printemps arabe a donné des résultats bien mitigés selon les pays. En 2010, lorsque le peuple tunisien s’est soulevé contre Ben Ali pour finir par le chasser du pouvoir, beaucoup d’observateurs se sont emballés en prédisant la fin des dictatures dans le monde arabe. Quatre ans plus tard, certains printemps se sont transformés en hiver cauchemardesque. La situation en Syrie est particulièrement préoccupante. La guerre a provoqué plusieurs dizaines de milliers de morts et de réfugiés. L’Egypte vit toujours sous tension avec l’éjection de Housni Moubarak puis de Mohamed Morsi en attendant de nouvelles élections. La Lybie est, pour le moins qu’on puisse dire, en proie à une grande instabilité politique. Bref, ce qui au départ étant perçu de l’Occident comme des mouvements de protestation, menés par des jeunes, pour davantage de libertés, ont engendré des conflits très meurtriers.  

 

 

8. L’intégrisme religieux fait que de jeunes issus de l’immigration marocaine partent pour le Jihad en Syrie, quelles mesures pourraient être prises afin d’enrayer ce problème ?

A Molenbeek, nous avons créé une cellule radicalisme au sein de la zone de police Bruxelles-Ouest. Sa mission est de détecter les signes avant-coureurs de toute forme de radicalisation et de rassembler les informations recueillies sur le terrain par la police, les agents de prévention, les éducateurs, etc. Ces derniers sont par ailleurs vigilants par rapport à la question. Toutefois, il faut être modeste : au niveau communal, nos moyens sont assez limités. Nous relayons bien évidemment nos préoccupations aux jeunes de Molenbeek afin qu’ils soient sensibles au danger de l’intégrisme. Il faut leur expliquer ce qui se passe en Syrie, les groupes et intérêts qui sont en jeu, les implications des pays voisins,… La lutte contre le radicalisme doit être un sujet de préoccupation au niveau fédéral. Et pas seulement lorsqu’on apprend que des gens partent en guerre. C’est un travail de longue haleine, à mener de concert avec les mosquées, les associations, les écoles et tous les acteurs concernés. 

Cela dit, je ne pense pas que tous les départs en Syrie soient motivés par le djihad. Certains individus semblent animés par un sentiment de révolte par rapport à ce qui se passe là-bas. D’autres, ce sont tout simplement des têtes brûlées.