Boussouf : Il est du devoir du Gouvernement d’activer la constitution et d’impliquer les Marocains du monde dans les diverses institutions nationales
Journal Al Masa3 du 12avril

Quelques jours après la nomination des membres du Gouvernement de Saad Eddine El Othmani, nomination qui a connu de grands changements dans sa structure par l’intégration d’un ensemble de départements gouvernementaux, comme le Ministère délégué chargé des Affaires de la migration et des Marocains du monde, M. A. Boussoufréagit pour dévoilerles plus importantsdossiers sur lesquels doit se pencher la nouvelle alliance.
Dans cet entretien avecAl-Massae, M. B se focalise sur certaines questions qui nécessitent l’urgence de traitement, que ça soit celles de la représentativité des membres de la communauté marocaine dans les institutions officielles, ou celles des problématiques liées aux conditions de vulnérabilité de certaines catégories qui se heurtent à des défisspécifiques.

Q. Un nouveau gouvernement présidé par Saad Eddine El Othmani, vient de voir le jour après une longue attente qui a duré presque la moitié d’une année. Comment, au sein du CCME, vous interpellez ce gouvernement dans l’objectif d’améliorer les conditions des Marocains du monde ?

R. Dans ce cadre, à l’occasion de la formation de l’alliance gouvernementale qui veilleras à se mettre au service des citoyennes et des citoyens de par le monde, et vues les missions queconfèrela constitution au CCME en tant qu’institution consultative, avec fonction d’émettre des avis sur les orientations des politiques publiques qui permettent aux marocains résidant à l’étranger de conserver de solides attachements avec leur identité marocaine, ainsi que dans le cadre de la mise en œuvre du dahir de saconstitution, notamment en ce qui concerne l’accomplissement des missions de consultation et la participation dans la formulation et l’élaboration des politiques relatives à la migration et aux affaires de la communauté marocaine à l’étranger, le CCME a opté pour l’interaction avec l’actuelle majorité gouvernementale, en l’avisant de certaines problématiquesprioritaires parmi les questions de la migration marocaine, afin que ces priorités soient prises en compte dans la préparation de la déclaration gouvernementale et pour l’élaboration de propositions concrètes et leur inclusion dans le programme du nouveau mandat gouvernemental.

Q. Partant de ces données, est-ce que vous pouvez nous décrire les grandes priorités relatives à la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles en relation avec la communauté marocaine à l’étranger ?
R. La constitution de 2011 a stipulée clairement l’engagement de l’Etat à protéger les droits et les intérêts légitimes des citoyens et citoyennes Marocains résidant à l’étranger, et à veiller sur la consolidation de leur contribution au développement de leur pays d’origine, le Maroc (Article 16). La constitution a insistépour leur faire jouir des droits d’une citoyenneté complète, y compris les droits de vote de d’êtreéligible aux élections (Article 17), en plus de la garantie de la plus large participation aux institutions consultative et instances de la bonne gouvernance crées par la constitution ou par les textes de loi. (Article 18). Sa Majesté le Rois a appelé, dans son discours de 2015, à la mise en œuvre de des dispositions de la constitution relatives à l’intégration des représentants de la communauté marocaine à l’étranger dans les institutions consultatives et les instances de la bonne gouvernance et de la démocratie participative dans le but de renforcer la participation des Marocains résidant à l’étranger sort national.Or nous constatons que l’ancien gouvernement n’a pas alloué l’intérêt adéquatà l’application de ces dispositions de la constitution. C’est la raison pour laquelle nous réitéronsnotre appel à l’actuel Gouvernement pour qu’il inscrive parmi ces priorités, la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles relatives aux Marocains du monde et l’activation de leur implication dans les institutions nationales, ainsi que de se hâter de produire la loi organique du CCME.

Q. Onsuivant le processus de gestion du dossier de la communauté marocaine à l’étrange, on relève une sorte d’approche saisonnière des questions relatives aux Marocains du monde. Quels sont les paris que le CCME met au profit des cinq million de Marocains résidant à l’étranger ?

Les Marocains résidant à l’étranger représentent un enjeux stratégique pour le Royaume, vus les importants rôles dont ils s’acquittent, soit dans l’équilibre de l’économie nationale comme source de devise, ou comme ambassadeurs extraordinaires ne manquant nulle occasion pour faire preuve de leur attachement à leur mère patrie en défendant ses hauts intérêtset en rapprochant la société marocaine de celle des pays d’accueil. Ceci sans oublier les compétences que recèle cette communauté dans tous les secteurs, et qui ont démontré leur disposition à contribuer au développement de leur mère patrie à laquelle ils vouent un attachement sans failles.
Vous dites que cette communauté jouit d’une considération distinguée, mais on constat qu’elle nese manifeste pas à travers les structures des institutions marocaines, surtout au niveau de leur représentativité au sein des diverses institutions. Les vraisdéfis que cette considération impose ont été illustrés par le texte de la constitution affirmant la responsabilité de l’Etat dans la protection des droits et intérêts légitimes des citoyens et citoyennes Marocains résidant à l’étranger, et soulignant lanécessité de préserver les liens humains avec eux. Sa Majesté le Roi l’a soulevé dansses divers discours en adressantces messages d’orientation aux divers intervenants, que ce soit dans les secteurs gouvernementaux ou les institutions constitutionnelles, eninsistant sur la nécessité de coordination et de l’action participative pour répondre aux besoins de la communauté et l’amélioration des prestations qui leur sont allouée. Dans ce cadre, il est utile de rappeler que la communauté marocaine à l’étranger, fait face à de grands défis dans les pays d’accueil, surtout ceux de l’Europe, résultant des impacts de la crise, de la montée de l’extrême droite et des menaces des groupes extrémistes qui visent les jeunes. Sur le plan national, et malgré le cumul positif qu’a enregistré la gestion du dossier de nos citoyens et citoyenne à l’étranger, n’empêche que cela n’a pas atteint le niveau de leur aspirations.
Il faut ajouter à cela que les nouveaux faits politiques, économiques et sociauxdans les pays d’accueil, créent de nouveaux défis à la migration marocaine, et c’est ce qui interpelle en continutous les acteurset doit les inciter à actualiser les dossiers relatifs aux Marocains du monde et à élaborer des programmes gouvernementaux aptes à répondre à leurs attentes en intégrant l’approche migratoire au cœur de toutes les politiques publiques.

Q. La question de la simplification des procédures administratives et judiciaires et l’amélioration des prestations constitue toujours une revendication prioritaire chez la communauté marocaine résidant à l’étranger Qu’est-ce qui est demandé du gouvernement de Saaddine El Othmani de faire pour améliorer ces prestations et les simplifier ?

R. L’amélioration des prestations administratives au profit des Marocains du monde, que ce soit dans les consulats et les ambassades, ou dans les administrations publiques au Maroc est la priorité des priorités des Marocains du monde. Dans son discours du 14 octobre 2016, à l’occasion de l’ouverture de la session législative, Sa Majesté a évoqué les importants problèmes dont souffrent les migrants marocains comme l’absence du mécanisme de suivi des dossiers dans les consulats, ou le manque de coordination entre les administrations concernées par la délivrance des documents nécessaires pour rectifier les erreurs dans les consulats. Autres exemples soulevés par Sa Majesté : les affaires administratives liées à l’application de code de la famille, et ce qui en résulte comme problèmes familiaux et sociaux ; également, la lenteur des procédures administratives et ce que nécessitent les procès judicaires comme temps et mesures. Tout cela n’arrange en rien les affaires des Marocains du monde du fait que leur présence limitée aux périodesde vacancessaisonnières dans leur pays,ils se trouvent souvent dans l’impossibilité d’accomplir ces procédures, et, par conséquent, acculés finalement à abandonner leurs droitset biens à cause des complications procédurales, spécialement dans les affaires immobilières. De là, le gouvernement est appelé à opérer la simplification de ces procédures dans les services administratifs et les tribunaux, ainsi que l’amélioration de la qualité d’accueil pour garantir les meilleures prestationsau profit de la communauté marocaine à l’étranger. D’un autre côté, l’implication des Marocains du monde dans le développement de leur mère patrie impose la levée des obstacles administratifs auxquels se heurtent les compétences marocaines à l’étranger désirant travailler ou s’investir au Maroc. Notamment en lien avec l’équivalence des diplômes universitaires et la reconnaissance de l’expertise scientifique et technique acquise dans les pays d’accueil, spécialement dans le domaine de l’enseignement supérieur, ainsi que la facilitation de l’adhésion aux instances professionnelles comme l’ordre des médecins, celui des pharmaciens ou des ingénieurs, tout en veillant à leur allouer les conditions convenables pour leur établissement avec leurs familles et l’accès aisé de leurs enfants ausystème scolaire.
Dans le même contexte, l’exercice cultuel en relation avec le composant culturel et cultuel des Marocains, nous interpelle avec acuitéen relation avec les dernières mutations qui marquent profondément certains pays. Que faut-il pour protéger l’identité culturelle et cultuelle des Marocains du monde, avec ce que vit la majorité des pays d’accueil comme bouleversements identitaires causés par la montée de la droite radicale et l’intense activité des groupes extrémistes ? L’immunisation des jeunes marocains du monde et la protection de leur identité marquée par la modération, et l’incitation à leur intégration dans leur pays d’accueil, constitue un enjeu stratégique qui nécessite une sérieuse volonté et une action commune pour y arriver. Par conséquence le gouvernement est appelé à réfléchir sur la question de l’encadrement religieux des Marocains du monde et la formation des imam en coopération avec les établissements académiques de ces pays. Ceci avec la mise à dispositionde la connaissance scientifique sur le model religieux marocain, ainsi que les fondements pédagogiques dans les langues européennes pour illustrer la diversité culturelle du Maroc et mieux l’enraciner au sein des milieux dela communauté marocaine. A cela il faut ajouter la nécessité de crée une agence nationale pour le développement culturel pour les Marocains du monde en association avec les institutions culturelles des pays d’accueil.

Q. Ce qui est frappant dans l’évocation de la communauté marocaine à l’étranger, c’est la focalisation sur certains pays d’accueil, spécialement en Europe, Qu’en est-il des Marocains d’Afrique et ceux du monde arabe dans les politiques publiques ?

R. La migration marocaine en Afrique se distingue par son ancienneté et son enracinement dans plusieurs pays.La communauté marocaine établie en Afrique porte les caractéristiques humaines marquant les liens profonds du Maroc avec ses racines africaines. Elle se trouve confrontée à son tour à divers défis liés essentiellement à l’accès aux droits. Dans le cadre de la dynamique que connait les relations maroco-africaines, surtout après le retour du Royaume au sein de l’Union africaine, il est devenu impératif de consacrer plus d’attention aux Marocains d’Afrique en investissant leurs compétences et leur éventuel rôle dans la consolidation de l’orientation dans ce continent, vu qu’ils disposent de l’expertise cumulée sein des diverses institutions africaines où ils sont intégrés professionnellement. Tout en prenant en considération les divers besoins de cette communauté, notamment la scolarité des enfants, la protection de leur identité culturelle, la question de la sécurité sociale et les diverses problématiques liées à la femme marocaine migrante. La majeure partie des besoins de la communauté marocaine e Afrique est partagée par celle du monde arabe, précisément les questions de la femme, la scolarité des enfants et l’accès aux droits sociaux.

Q. Parmi les problèmes que vit une catégorie des citoyens marocains, il y a la question des mineurs non accompagnés à la lumière des chiffres émanant de certains Etats. Ya-t-ildes éclaircissements sur leur situationet sur les mesures que le gouvernement devrait entreprendre.

R. Cette questionsuscite un grand intérêt vu son caractère sensible et l’imbrication de ses éléments. Ce phénomène a évolué ces dernières années et est devenu une problématique qui interpelle les politiques publiques dans le domaine de la protection de l’enfance, comme il interpelle les institutions chargées de la gestion de la migration marocaine. Le nombre desmineurs non accompagnés en Espagne a évolué pour atteindre en 2016, selon des statistiques espagnoles, le chiffre de 2200 enfants, et la migration des mineurs non accompagnés a franchi les pays du sud de l’Europe pour devenir un phénomène visible dans les pays scandinaves comme la Suède et le Danemark. La question des mineurs non accompagnés est en général liée à celle de la protection de l’enfance et nécessite une approche globale visant à garantir l’intérêt suprême de l’enfant en prenant en considération les dangers quiguettent cette catégorie vulnérable et qui se voit exposée à l’exploitation soit de la part des bandes de la traite humaine ou les groupes prosélytes, et même les groupe extrémistes.

Q. Ce qui encore grave dans la problématique des mineurs non accompagnés, c’est qu’ils peuvent également être exploités par des bandes de criminels organisés, ce qui nous nous conduit à se poser la question sur les détenus marocains incarcérés dans les prisons européennes. Comment est traité ce dossier ?

R. Cette problématique s’est poséerécemment et certaines études évoquent l’existence de plus de 11.000marocains dans les prisons européennes, surtout en Espagne et en Italie, et même dans certains pays qui ont connu, ces dernières années, l’afflux de de grandes vagues de réfugiés comme l’Allemagne ou la Grèce. L’enchevêtrement des éléments de cette problématique et leur complexité, ainsi quela divergence des situations juridiques et des dossiers des détenus d’un pays à l’autre fait qu’il est difficile de trouver des solutions urgentes. Sauf que ceci n’empêche en rien qu’il faut œuvrer pour assurer la protection des droits que leur confèrent les lois localesde ces pays à travers l’accompagnement juridique afin les préserver de toute atteintes, et ne pas les laisser isolésface à leur sort.

Q. En terminant cet entretien, nous aimerionsévoquer la question des conventions de la sécurité sociale qui a suscité dernièrement de la polémique, notamment aprèsla controverse du côté hollandais.Est-ce que vous pouvez nous éclairer sur la situation générale de ces conventions ?

R. Des milliers de citoyens marocains, aujourd’hui âgés, avaient passé une bonne partie de leurs vies professionnelles dans un ensemble de pays européens. Ils se trouvent actuellement en situation de vulnérabilité et ne bénéficient que de retraites et indemnités insignifiantes, et malgré cela ils sont obligés de rester dans les pays d’accueil dans des conditions de vie difficiles pour bénéficier de ces indemnités. Ce qui conduit à limiter leur mobilité et les empêchent de retourner vivre dans leur mère patrie. C’est pour cela qu’il faut agir pour trouver une solution afin d’améliorer la situation de nos citoyens âgés dans les pays de migration, et la faciliter leur mobilité et leur retour au Marco tout en garantissant le transfert de leur indemnités et les droits qui en découlent vers le Maroc afin de leur permettre de vivre dignement. Par cette occasion, il faut rappeler que la protection des droits sociaux de toutes les catégories des migrants marocains, nécessite la révision des conventions de la sécurité sociale et les accords de la main d’œuvre qui lient le Maroc aux grands pays de migration marocaine, par leur actualisation et par l’insertion d’articles supplémentaires en ligne avec les nouvelles problématiques de cette catégorie.D’un autre côté, il est devenu indispensable d’élargir le cercle des conventions pour inclure d’autres pays de résidence de la communauté marocaine, sachant que les conventions en exercice actuellement ne couvrent que 14 pays, tandis que les Marocains sont présents dans que de 50 pays.

* Entretien de M. Abdellah Boussouf, publié dans le quotidien Al Massae du mercredi 12 avril 2017