Le nouveau ministre de la tutelle semble s’inscrire dans une nouvelle dynamique de refonte du partenariat entre l’intelligence expatriée et les institutions Marocaines de tutelle à bout de souffle et sujettes d’un tir croisé de la société civile, des constitutionnalistes et des partis politiques.

 

Loin de ces agitations, des doléances complexes, contradictoires, le ministère des Marocains Résidant à l‘Etranger et de la Migration a réalisé une étude, confiée à un Institut prestigieux Marocains. L’objectif étant la formulation dixit de «lignes directrices de la stratégie nationale en faveur des Marocains du Monde». L’analyse d’une note de synthèse de cette étude interpelle aussi bien le Marocain «ordinaire de l’étranger» que les spécialistes, la société civile et ceux qui contribuent à la dynamique récente, enclenchée par Monsieur Birou. Le présent article tente de répondre, à chaud, sur le contenu de cette note qui est censée être un outil d’aide à la décision et contenir des in put stratégiques pour l’élaboration d’un nouveau pacte de relance  et d’apaisement des relations des Marocains de l’étranger à leur institution de tutelle.

 

Le fait d’évoquer une stratégie nationale suppose, en amont, l’élaboration d’un diagnostic, le plus complet possible, permettant une meilleure connaissance d’une communauté au pluriel, complexe et hétérogène. Elle suppose aussi (stratégie nationale) une maîtrise des politiques intégrationniste, assimilationniste et idéologique qui sont, par définition, opposées à la vision des pays émetteurs. Le temps de la cogestion de l’immigration (inter Etats) est révolu. Le processus de naturalisation (droit du sol, décrets, autres…) et la sédentarisation des MRE ont modifié, voire réduit la marge de manœuvre des pays d’origine. Désormais, la société civile récuse, de plus en plus, l’emprise de la tutelle et tante de s’affranchir des liens «folkloriques» opaques, des cooptations politiques ou religieuses. En quelque sorte, les MRE, notamment d’Europe en général et de France en particulier s’identifient d’avantage au modèle de diasporas actives, à l’instar de celles efficacement organisées(…)  que celle éparpillée, segmentée ou opposées des Marocains résident à l’étranger. Ainsi, à terme, les liens avec le pays d’origine sont et seront axés sur des bases plus politiques (allégeance, Marocanité, terre de mémoire des ancêtres, lieux de pèlerinage…) que sociétales ou économiques.

 

La place accordée ou accordable, dans la nouvelle constitution de 2011, aux MRE n’est plus un enjeu si décisifs que cela se laisse entendre. Les polémiques ou revendications autour du rôle des MRE dans la vie publique, politique interne du Maroc ne sont qu’une manœuvre à bout de souffle des partis politiques et de leurs relais en Europe. L’exercice de la citoyenneté, de l’éligibilité et l’exercice de la responsabilité politique sont étroitement liés à la résidence permanente. Souvent, les MRE sont confrontés à une dichotomie en terme d’organisation politique (Républiques, laïcité, d’un côté et Etat en cours de démocratisation…) entre une référence durable dans les pays d’accueil est une référence discontinue par rapport au pays d’origine : le Maroc.

 

L’intégration de la migration dans le modèle de développement du Maroc est un choix à double tranchant. Les mutations sociologiques, générationnelles et culturelles que connait la communauté Marocaine, particulièrement en France, conduisent à terme à l’altération des liens économiques, classiquement matérialisés par les transferts financiers bruts. La contribution des MRE s’oriente irréversiblement vers le transfert de la connaissance, de l’entreprise, de l’investissement et, plus globalement d’une valeur ajoutée complexe, moins portée sur les transferts mécaniques d’€uro inter banques. L’enracinement, la sédentarisation se traduisent, par pallier, par une relocalisation économique (achat de biens immobiliers, d’investissements dans le pays d’accueil).

 

L’ensemble de ces mutations et de ces mécanismes oriente la réflexion, désormais, vers un nouveau pacte entre les autorités de tutelle et les MRE de France. Un pacte de partenariat, de cogestion et d’une gouvernance collégiale à géométrie variable d’un pays d’immigration à l’autre. Le maintien d’une gouvernance centralisée et modélisée dans les coulisses du ministère recèle un risque politique avéré. La maturité intellectuelle et politique de la société civile impose aujourd’hui un nouveau recadrage de la mission même du ministère de tutelle.

 

La lecture des lignes directrices de la stratégie nationale en faveur des MRE, formulées par l’Institut Royal d’Etudes Stratégiques fait ressortir une approche triplement handicapante pour cette efficacité optimale tant revendiquée par monsieur le ministre.

 

Une approche non participative dépourvue des éléments les plus élémentaires pour la construction d’une stratégie d’abord, une absence d’un diagnostic méthodologiquement riche, contradictoires et partagé permettant l’aide à la décision.

 

Une approche générique, relativement déphasée, ne tenant pas ou peu compte de la pluralité, de l’hétérogénéité de l’immigration Marocaine différenciée dans le temps, dans l’espace, dans les trajectoires et dans les parcours professionnels. Les éléments constitutifs du corps social varient d’un pays à l’autre. Les critères d’intégrabilité (politiques, scientifiques, identitaires) sont organiquement différents selon le pays. En France, le processus est aujourd’hui plus axé sur l’assimilation, alors qu’il est encore en gestation d’intégration en Espagne, en Italie, au Canada, au moyen Orient. La double appartenance juridique (bi nationalité) est également un critère de différenciation. Bref, cette approche doit assoir son assise sur une grille de lecture plus affinée et faisant davantage appel aux compétences et représentations des MRE pour effectuer elles mêmes une partie du diagnostic préalable à la construction d’une stratégie.</span>

 

Comment un pays émetteur d’immigration sociale et économique (immigration au sens exportatrice de l’excédant des populations non éligibles par leur profil socio éducatif) peut interférer dans les politiques d’intégration qui sont dictées par les pays en toute souveraineté ? La prévention du délitement des liens des MRE avec le Maroc ne se décrètent pas. Les liens identitaires, culturels ou politiques (allégeance) évoluent selon les contre pouvoir idéologiques des pays d’accueil (assimilation, laïcité, formatage culturel, couples mixtes…). Seul un lien de confiance, d’atténuation d’une tutelle figée, d’un nouveau pacte plaçant le citoyen Marocain dans une relation moins utilitaire (vache à lait) et plus politique (vecteur de notoriété du Maroc) peut pérenniser l’appartenance identitaire.

 

L’offre culturelle, l’accompagnement spirituel, la pérennisation de langue du pays d’origine, selon les mêmes lignes directrices de l’IRES, ne sont pas ni une priorité, ni une doléance, ni une attente faisant consensus. La société civile, dans les pays d’accueil, y  est éligible et peut se substituer à l’administration Marocaine par l’autorégulation, dictée par les subventions européennes. La gestion du culte, dans des pays à vocation laïque, est une forme d’ingérence tolérée et non formalisée par des accords bilatéraux. Il va de même pour la promotion culturelle ou de la pérennisation de la langue d’origine, dont on ne sait laquelle ; l’arabe, l’amazigh, dialecte ou langue académique.

 

Le maintien des transferts financiers à hauteur de 7% du BIP du Maroc est un enjeu économique majeur, mais aussi une vision à double tranche. Les réseaux légaux de captage des flux financiers (de l’étranger vers le Maroc) ont un atteint un niveau de maillage maximal. En revanche, la crise systémique des économies des pays d’accueil s’oriente mécaniquement vers une régression progressive des transferts financiers vers le Maroc. Construire les prévisions économiques, du pays sur des données volatiles, est en soit un risque macro économique et un facteur de paupérisation des MRE.

 

L’incitation, à renfort marketing, aux transferts vers le pays d’origine, au détriment d’une intégration sociale dans le pays d’accueil, est un facteur indirect de paupérisation et du développement de la dualité sociale. «On appartient à une classe sociale privilégiée au Maroc par ces transferts et l’acquisition de patrimoine immobilier… Cependant, dans les pays d’accueil, une grande partie vit dans des configurations sociales et territoriales synonyme de l’exclusion (habitants des banlieues déshéritées, sous perfusion sociale, échec scolaire, communautarisme…)»

 

Enfin, la même étude fait référence au drainage des cerveaux ou la cooptation des compétences. Là aussi, la marge de manœuvre des autorités de tutelle est très réduite. D’abord du fait que la loi de l’offre en termes de carrières professionnelles est plus incitative à la sédentarisation dans le pays d’accueil. Ensuite, la relation du Maroc aux élites expatriées a toujours été ambiguë, méfiante et/ou indifférente. Sinon, comment expliquer les déficits du Maroc en médecins, en ingénieurs, en universitaires alors que les cadres Marocains à l’étranger se comptent par milliers, parfaitement solubles dans l’élite française. Comment expliquer le recours du Maroc à l’expertise des grands Bureaux d’Etudes étrangers rémunérés en devises (€ ou $), alors que des Marocains ne cessent de tenter une inclusion professionnelle dans le pays d’origine.

 

Globalement, les lignes directrices de la stratégie nationale des Marocains du Monde, formulées par l’IRES, sont plus que discutables, car elles sont peu pertinentes, non convergentes et basées sur des perceptions  ou des  éléments de diagnostic trop génériques. Elles laissent également peu de place pour une coproduction à la fois de l’expertise et de la stratégie. Une coproduction basée sur l’implication réelle, durable et contractuelle des MRE dans ces processus décisionnels. Elles traduisent, hélas, un manque de culture démocratique de par le peu de concertation, d’approche participative et d’instances managériales plus représentatives qui traitent de l’immigration sur le sol où elle est implantée et non dans un entre-soit feutré dont on ignore les finalités et dont on ne reconnait ni la légitimité politique ni la crédibilité scientifique.

Le nouveau pacte de Marocanité des citoyens Marocains du monde est, et, serai l’enjeu stratégique  majeur des prochaines années. Alors, nous tendons la main à monsieur Birou pour écrire ensemble ce pacte et décidons ensemble ces lignes directrices de la stratégie nationale des Marocains du Monde.